> Commander Traits Urbains n°138/139 "Les 100 qui font la ville en 2023"
A Clermont-Ferrand, ce n’est plus seulement le fond d’écran qui est vert, aime à répéter son maire Olivier Bianchi. Au milieu des volcans d’Auvergne, la ville industrieuse et grise laisse, en effet, petit à petit la place à une métropole dans laquelle la nature a son mot à dire. « Un virage a clairement été pris ces dernières années, en termes de mobilités, à travers un rééquilibrage de la voirie au profit des transports doux et une multiplication des parcs (+25 % en gestation) », développe Grégory Bernard, adjoint en charge de l’urbanisme.
Invariablement à gauche depuis la Libération, la municipalité clermontoise a malgré tout su faire preuve d’une capacité de renouvellement en ouvrant ses portes à une nouvelle génération d’élus qui s’est emparée des sujets que seuls les écologistes portaient jusqu’à présent depuis leur entrée au conseil dès 1995. Issu du mouvement Génération.s fondé par Benoît Hamon, Grégory Bernard en suit les préceptes à la lettre, dépassant le cadre des partis pour mettre son engagement au service du vivant. « Etre élu n’est pas un métier », clame-t-il. Le sien, c’est enseignant en lycée professionnel, spécialités : français et histoire-géographie. « Cela me permet de garder une certaine distance, salutaire, celle de l’intérêt général, de la démocratie. Quand on est trop dedans, on ne voit plus que des problèmes techniques, au risque d’oublier les enjeux de société. A Clermont, on ne travaille pas pour gagner l’élection suivante. »
Lui le spécialiste d’histoire n’ignore pourtant pas que seul le temps politique long autorise les grandes œuvres. Il confie d’ailleurs que Nantes est une de ses sources d’inspiration. Mais aux joutes politiciennes il préfère le climat d’échange qui règne à l’Agence d’urbanisme Clermont Massif Central (AUCM) qu’il préside depuis 2020. « La première qualité des gens qui la composent c’est de ne pas avoir la tête dans le guidon, d’échapper à la pression perpétuelle qui pèse sur les agents. C’est objectivement le seul endroit où l’on peut avoir un vrai dialogue interterritorial, travailler avec d’autres élus sans esprit de compétition ».
Depuis un an et demi, Grégory Bernard y fait binôme avec un nouveau directeur, « au parcours riche », qu’il dit avoir eu « la chance de recruter » : Stéphane Cordobes, un ancien de la Datar, spécialiste de la prospective. Alors que Clermont compte parmi les quatre candidats pour obtenir le label « Capitale européenne de la culture » en 2028, les deux hommes ont engagé un programme pour le moins original : une enquête visant à interroger la place des politiques culturelles, et plus généralement des acteurs du secteur, dans la réorientation écologique des territoires. Face au défi d’une crise systémique, l’approche est totalement novatrice. « Il s’agit de trouver un nouveau positionnement qui retravaille les imaginaires. C’est plus la culture de la transition que la transition de la culture qui nous intéresse. » En effet, si l’on admet que la réorientation écologique ne relève pas uniquement de transitions techniques et normatives, mais au contraire nécessite un changement de rapport à nos milieux de vie, elle passe obligatoirement par une acculturation. La réorientation écologique devient dès lors une question culturelle et éducative, qui confère un nouveau rôle aux institutions concernées. Bref, à Clermont-Ferrand tous les feux sont au vert.