> Commander Traits Urbains n°138/139 "Les 100 qui font la ville en 2023"
Le Grand Est constitue l'une des rares régions où elle n'ait jamais exercé, mais Magali Debatte, directrice régionale de la Banque des Territoires, se sent chez elle tant au siège strasbourgeois que dans les antennes de Nancy et de Châlons-en-Champagne. Nommée à ce poste en juillet 2022, l'ex-préfète de Charente n'a cessé de sillonner – en train et en co-voiturage – les six « plaques » dont la banque publique a maillé ce vaste territoire. Des grands pôles urbains aux frontières allemande, luxembourgeoise et belge, des anciens bassins industriels de Moselle aux zones rurales des Ardennes, des Vosges ou de la Meuse, l'ingénieure en électronique passée par le ministère de l'Intérieur, les services du Sgar et le corps préfectoral, pose sur ce territoire hétéroclite un regard neuf. « Je n'ai jamais raisonné en termes d'anciennes régions, mais en termes d'écosystèmes et de bassins de vie », explique l'ancienne chargée de mission économique de la Datar qui, en 2003, a œuvré à la constitution des pôles de compétitivité sous l'impulsion du Premier ministre Jean-Pierre Raffarin. Elle garde un souvenir précis de la cartographie scientifique et technologique qui permit de déterminer des filières stratégiques pour relancer la politique industrielle française.
Dans le Grand Est, Magali Debatte a repéré les enjeux de la décarbonation d'une industrie encore très présente, une solide armature urbaine ou la Banque des Territoires soutient 24 villes Action cœur de ville et 142 Petites villes de demain, et le potentiel des fleuves et des canaux qui pourraient mieux irriguer le développement territorial. Le tropisme frontalier lui apparaît comme une chance, en dépit des tensions qu'il engendre en matière de foncier et de mobilité. « Je cherche ce qui nous rapproche plus que ce qui nous sépare », indique la directrice régionale, qui est allée à la rencontre de banques publiques allemandes et de bailleurs luxembourgeois.
Découvrant simultanément un nouveau territoire et une organisation semi-privée, Magali Debatte voit dans ce statut mixte « une hybridation intéressante » et assure retrouver dans ses équipes un sens de l'intérêt général qu'elle connaissait dans la fonction publique. « La Banque des Territoires n'est pas seulement un organisme financier : elle détient une ingénierie financière que l'on ne trouve nulle part ailleurs. Ces agents font discrètement un boulot de dingue que pas grand monde n'est capable de faire, et qui se traduira par des résultats concrets dans cinq ou dix ans », salue la directrice. En amont, l'organisme lui semble s'être adapté très vite aux nouveaux enjeux climatiques et environnementaux que les élus ne nient plus. « La prise de conscience s'accélère et nous proposons aux collectivités les moyens d'agir de manière plus massive, notamment grâce à des rénovations thermiques globales », explique Magali Debatte.
Rompue au fonctionnement des acteurs institutionnels de l'eau, de l'énergie, de la cohésion sociale ou du logement, la directrice entend occuper pleinement la place et le rôle que la Banque des Territoires attend d'elle. A titre personnel, la quinquagénaire mère de deux enfants, célibataire géographique depuis plus de vingt ans, invite volontiers ses proches dans sa nouvelle région d'adoption. Jugeant « magiques » les paysages de Strasbourg, de Charleroi, de Nancy ou de Saint-Dié, elle s'imprègne avec intérêt de la culture et de l'histoire du Grand Est.