Sénamé KOFFI AGBODJINOU Sénamé KOFFI AGBODJINOU

Architecte togolais formé à l’Ensa de Paris-La Villette, anthropologue passé par l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), Sénamé Koffi Agbodjinou est revenu s’installer à Lomé. Depuis cette base et à travers ses projets et recherches, il promeut la « ville néovernaculaire africaine » : des bâtiments en terre plutôt qu’en béton, ouverts les uns sur les autres pour faciliter le lien entre les habitants, laissant de la place pour la production alimentaire locale… mais pas sans innovation digitale, celle-ci devant être développée par les Africains eux-mêmes et non sous la férule des GAFA. « Les modèles urbains occidentaux ne correspondent pas aux réalités anthropologiques africaines », constate-t-il.

Fondateur en 2010 de l’association L’Africaine d’architecture, plateforme de recherche et d’expérimentation sur l’architecture et la ville, il est régulièrement convié par diverses instances et entreprises à exposer sa vision de la ville de demain. De sa voix posée, le quadragénaire délivre des messages forts. « S’il fallait poser un grand enjeu, ce serait la démographie africaine et cette urbanisation incroyable qui l’accompagne. »1 « Dans les 30 prochaines années, la plus grande ville du monde pourrait émerger dans la conurbation du golfe de Guinée »2. Alors qu’il prend aujourd’hui une part marginale dans les émissions de gaz à effet de serre, le continent sera amené à rattraper ce retard d’ici 2050 en regroupant plus d’un urbain sur cinq. Or « l’Afrique partage les problèmes globaux auxquels s’ajoutent les effets coloniaux. Le paradigme du profit fait qu’on n’arrive pas à changer les choses. Les Africains ont perdu confiance en eux-mêmes et restent persuadés que l’Occident est un modèle. L’Occident de son côté a opéré une rupture avec la nature et a considéré que l’homme n’était complètement réalisé que comme individu »1.  

Sénamé Koffi propose de s’inspirer des sociétés « ayant modélisé des éthiques d’intrication à travers  des cosmogonies impliquant que la structure sociale ne doit jamais entrer en conflit avec la structure biosphérique », de « mobiliser le pouvoir de l’imaginaire pour régler les problèmes écologiques, développer un mythe transversal partagé par l’ensemble de la civilisation humaine, qui coderait notre rapport avec la nature, pour que nous puissions continuer à exister… »1

Son concept de HubCité se veut être un contre-modèle pour une smart city africaine. Les « WoeLabs », lieux d’innovation à l’échelle d’un quartier, sont basés sur l’échange de services via une monnaie virtuelle par don et contre-don, réintroduisant ainsi le caractère communautaire villageois dans la ville. Ils permettent d’incuber des start-ups innovantes en agriculture urbaine (Urbanattic), robotique agricole (Woebots) ou tri et recyclage des déchets (Scope).  Les nouvelles technologies digitales sont regroupées dans un « enclos d’initiation », à l’image des lieux où les adolescents apprennent à faire corps. « Je fais le pari de technologies qui ne créeraient pas des sociétés atomisées mais plutôt des sociétés de la collaboration », postule l’anthropologue. « La fonction du technologique est juste d’aider les structures sociales à être plus efficaces »2. Une méthode dont les villes africaines ne seraient pas les seules à avoir besoin.

 

 

> Commander Traits Urbains n°138/139 "Les 100 qui font la ville en 2023"

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Les 100 qui font la ville

Les 100 qui font la ville, un hors-série du magazine Traits Urbains