Gilles LEPROUST Gilles LEPROUST

© Ville et Banlieue

Pour les 40 ans de Ville & Banlieue, Elisabeth Borne a fait une jolie surprise à Gilles Leproust, son président depuis juin 2022 : le report du comité interministériel des villes (CIV), déjà repoussé en raison des émeutes dans les quartiers et qui devait se tenir le 9 octobre. Emmanuel Macron a préféré convoquer en urgence un conseil national de la refondation (CNR) post-révoltes, au mépris du travail engagé depuis des mois avec les services de la Première ministre et ceux de la secrétaire d’Etat à la Politique de la ville. « J’ai l’impression que le fait du prince est passé par là », réagissait à chaud le maire (PC) d’Allonnes, commune de 12 000 habitants de l’agglomération mancelle. « Ce ne sont pas des conditions et des manières pour travailler sereinement. C’est un énième rendez-vous manqué du président avec les villes et les quartiers populaires. » Car avant il y eut l’appel de Grigny, resté sans écho, le rapport Borloo jeté à la corbeille élyséenne, et d’innombrables demandes de rendez-vous et de lettres ouvertes d’élus auxquelles la présidence n’a jamais daigné répondre, courant le risque de voir la chronique des émeutes annoncées s’écrire comme au début de l’été dernier pour en appeler après coup à la « recivilisation ».

Reciviliser : inutile de préciser que Gilles Leproust « n’aime pas le terme ». Il ne nie pas les difficultés auxquelles la population qu’il administre est confrontée. Elles sont immenses et il en est le témoin au quotidien puisqu’il a choisi de vivre en son sein, mais ce n’est pas pour autant qu’au marché ou dans les cages d’escalier, où il apprécie s’attarder, il croise des parents ayant abandonné tout projet éducatif pour leur progéniture. Il répète d’ailleurs que l’une de ses « grandes fiertés » est que « les profs restent longtemps dans nos établissements ». Et quand plus de 300 gamins de la cité restent bouche bée devant Zahia Ziouani dirigeant Mozart, Gilles Leproust sait mieux que quiconque qu’il n’y a « pas de politique de la ville sans un droit commun efficace ». « Nous avions mis sur la table des propositions en termes d’éducation, de sport, de culture, de santé, d’accès à l’emploi, de sécurité et de tranquillité. Nous attendions des réponses concrètes et des traductions dans la loi de finances 2024. Parce que les annonces ne suffisent plus. La politique de la ville n’est pas là pour masquer les manques du droit commun. »

Dans un monde miné par la communication, Gilles Leproust a le mérite d’un franc-parler peu commun en Pays de la Loire. Sa poignée de main est franche et le tutoiement vient vite. Un côté « à la bonne franquette » qui facilite son adaptation quand il lui faut monter à Paris voir ce qui se trame sous les ors de la République et l’investit d’un certain art de la négociation en dehors de sa famille politique. Mais à son grand dam, ce pêcheur à la ligne invétéré ne parvient pas à hameçonner Emmanuel Macron, qui semble sourd à une situation qui s’est pourtant encore dégradée avec l’inflation. « Les associations nous alertent, les bailleurs nous informent que les impayés de loyer et de charges repartent à la hausse. Bientôt, nous ne pourrons plus faire face. Le contexte est explosif. »

 

 

> Commander Traits Urbains n°138/139 "Les 100 qui font la ville en 2023"

COUV-TU138_190-254.jpg

Les 100 qui font la ville

Les 100 qui font la ville, un hors-série du magazine Traits Urbains