> Commander Traits Urbains n°138/139 "Les 100 qui font la ville en 2023"
D’un jeu d’enfant, la construction en bois, Julien Pemezec a fait une réalité grandeur nature. Ce Breton est, il est vrai, issu d’une famille d’architectes et de bâtisseurs. Dès ses 19 ans, il « traine » ainsi sur le chantier du Roazhon Park, le stade de foot de Rennes. Alors étudiant à Centrale, il en ressort diplômé en 2004 et entre aussitôt chez Sodéarif (filiale de Bouygues qui deviendra Linkcity) en tant que responsable de programme.
Mais rapidement Julien Pemezec décide d’élargir son horizon : en janvier 2005, il s’envole pour Hong Kong où, dans le cadre d'un Volontariat international en entreprise (VIE), il va être durant seize mois conducteur de travaux pour Bouygues International sur l'opération Asia World Expo. « Une très bonne expérience avec casque et bottes ». A priori sa carrière est toute tracée mais le jeune homme rêve secrètement d’entrepreneuriat et a des convictions écologiques chevillées au corps, notamment qu’il est « grand temps pour l’immobilier de faire son introspection » au regard de sa responsabilité environnementale, alors que le secteur de la construction est responsable de près d’un quart des émissions de CO2 en France et qu’on « pense bien faire en isolant et en installant des panneaux solaires ». C’est une étude de Jean-Marc Jancovici, le père du bilan carbone, qui a fait prendre conscience à Julien Pemezec combien il était important de considérer l’empreinte d’un bâtiment à l’échelle de son cycle de vie complet.
De retour en France chez Sodéarif, Julien Pemezec y occupe durant près de huit ans la fonction de directeur de projets tout en étant membre du comité de direction de la société. Il fait alors la connaissance de Guillaume Poitrinal, le plus jeune patron du CAC40, et de Philippe Zivkovic, ancien président de BNP Paribas Real Estate, tous deux sur le point de donner naissance au projet Woodeum. Séduit par l’aventure, mais surtout convaincu que le bois massif a un rôle clé à jouer dans l’industrie immobilière du futur, Julien Pemezec la rejoint en 2014. S’ensuivent six années de lutte acharnée dans le pays inventeur du béton dont il a fait une quasi mono-culture. Les articles et les émissions de radio ou de télévision où Woodeum fait la promotion de la construction bois ne se comptent plus. Son implication dans la création et le développement de la certification BBCA est considérable, or sans BBCA, le carbone n’aurait sans doute jamais été pris en compte dans la RE2020. Mais Woodeum voit, bien sûr, déjà beaucoup plus loin, réalisant dès à présent des bâtiments compatibles avec les seuils 2028 et 2031 de la réglementation.
Si la taille des programmes résidentiels développés ces dernières années par Woodeum démontre un indéniable changement de braquet, Julien Pemezec se dit par ailleurs « particulièrement fier » de travailler avec de grandes signatures de l’architecture, certain qu’une esthétique exigeante aide à convaincre les décideurs. Reste à mettre sur pied un modèle industriel en capacité d’ancrer durablement la construction bois dans les habitudes. Depuis le mois de février, Woodeum est désormais détenue à 100 % par Altarea, une situation qui devrait la faire bénéficier de moyens financiers et opérationnels accrus pour pousser toujours plus loin ses pions. « En France, nous avons deux formidables atouts : d’une part, nous disposons d’une des plus grandes forêts d’Europe et, d’autre part, d’une véritable french tech du bois et du bas carbone. La dynamique est lancée, bref le meilleur est à venir », promet celui qui co-préside depuis cet automne la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) d’Ile-de-France.