Jean-Baptiste PETER Jean-Baptiste PETER

© Pascale Braun

Dans la famille Peter, on connaissait le père, Alfred, paysagiste urbaniste fondateur de l'atelier du même nom, acteur historique de l'intégration du tram de Strasbourg et promoteur d'un « laboratoire de l'écologie festive » qu'il démultiplie de l'Alsace à New-York en passant par Marseille et Libreville. C'est à présent au tour du fils, Jean-Baptiste, de disséminer de l'Hexagone à l'Inde la vision d'une ville puisant sa résilience dans les forces de la nature.

Pas encore trentenaire, le jeune homme à l'allure sage a déjà décroché deux masters, passé deux ans dans une agence d'architecture indienne, conduit des projets internationaux pour le compte de l'atelier paternel puis créé en 2022 sa propre agence à Cachan, près de Paris. L'ancrage indien est solide : retenu en 2018 par l'Agence française de développement dans le cadre du projet CITIIS (City Investments To Innovate Integrate and Sustain), Jean-Baptiste Peter effectue plusieurs voyages par an à Surate, à l'ouest du pays, à Ujjain, au centre et à Bhubaneswar, au nord-est. Dans ces trois villes, il travaille à l'aménagement urbain dans un contexte de pollution extrême parfois compliqué de problèmes de gouvernance. A Héricourt, commune située entre Belfort et Montbéliard, il s'attache à reconstituer des canaux disparus en s'appuyant sur une ancienne carte. En Savoie, il propose une réflexion sur les infrastructures touristiques à la commune de Chamonix, qui cherche les pistes d'une attractivité post-ski. Au Luxembourg, il élabore un projet de ferme urbaine au Kirchberg, le quartier où les banquiers devraient bientôt voir paître des vaches.

« En Inde, les sécheresses, les inondations et les dégradations dues au changement climatique sont visibles dans toutes les grandes villes. L'urgence est telle que l'on ne peut pas s'offrir le luxe d'une stratégie sur vingt ans. En Europe, il reste une marge de manœuvre avant la catastrophe. La mise en perspective des deux cas de figure permet d'anticiper en connaissance de cause », explique Jean-Baptiste Peter. Le jeune homme met à profit sa double compétence d'architecte et d'urbaniste au service de solutions mariant toujours ville et nature – une marque de fabrique familiale. En 2013, il a obtenu son premier master à l'université technique de Graz, en Autriche. Il s'y est imprégné du modèle architectural sans équivalent du Vorarlberg, haut lieu européen de la construction bois. Trois ans plus tard, il s'est lancé dans l'obtention un master d'urbanisme à la Delft University of Technology, université de renommée mondiale. Dans cette cité batave insérée entre le canal du Rhin et la mer culminant à un mètre d'altitude, le jeune Alsacien a vécu à l'épicentre des questionnements hydrauliques et bioclimatiques.

De ses études, de ses voyages et de ses premières expériences professionnelles, Jean-Baptiste Peter a tiré la conviction que l'Homme ne peut espérer survivre qu'en s'appuyant sur la nature. « En Inde, face on mur, on voit bien que les solutions technologiques ne résolvent plus rien. L'urbanisme doit retrouver la logique des écosystèmes et profiter des services offerts par la nature, notamment en matière de phytoremédiation. Cette philosophie est applicable partout », affirme le jeune homme. Tandis que l'atelier d'Alfred Peter demeure depuis près de 40 ans fidèle à ses bases strasbourgeoises, Jean-Baptiste Peter a implanté l'agence JBP à la Pampa, un tiers-lieu hybride et éphémère qui reconvertit à titre transitoire l'ancienne école normale de Cachan, dans la banlieue sud de Paris. Alfred Peter a longuement creusé le sillon de l'urbanisme rhénan avant de se projeter sur d'autres continents, tandis que son fils mondialise d'entrée de jeu le concept de ville jardin. L'un et l'autre posent pourtant sur leur passage la même empreinte d'une utopie urbaine enracinée dans la nature.

 

 

> Commander Traits Urbains n°138/139 "Les 100 qui font la ville en 2023"

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Les 100 qui font la ville, un hors-série du magazine Traits Urbains