Brigitte PHILIPPON Brigitte PHILIPPON

« Nous initions toujours un projet en requestionnant usages et enjeux pour favoriser de nouvelles pratiques frugales, partagées et économiques. Qualité de vie, liens sociaux, santé et préservation des ressources, qu’elles soient patrimoniales ou naturelles, guident nos réflexions », explique l’urbaniste de l’agence Philippon-Kalt. Brigitte Philippon est associée avec Jean Kalt depuis 1994. Ils sont ensemble « à la ville et à la mer » comme elle le dit avec une pudeur toute poétique. Et depuis tout ce temps, ils travaillent ensemble de façon très complémentaire, « l’un sur l’archi, l’autre sur l’urba », mais tous deux avec ce même engagement pour « expérimenter, inventer et tester des solutions qui anticipent les réglementations », précise celle qui est coutumière des avis de chantier et ATEx (appréciations techniques d’expérimentation) menés avec le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB).

Au commencement de sa carrière, Brigitte Philippon collabore en tant que chercheure à Paris-La-Villette au sein du Laboratoire Espace du travail (LET) d’UP6) avec la sociologue Thérèse Evette. Elle expérimente alors des méthodes d’analyse de site qui marqueront profondément son approche et qui se retrouvent dans les projets de l’agence ; et encore plus dans l’Ecoquartier fluvial de L’Ile-Saint-Denis, projet sur lequel ils travaillent depuis vingt ans, devenu en 2017, lorsque la candidature de Paris a été retenue pour les Jeux olympiques de 2024, une partie du Village des athlètes. « Une friche d’activités stérile, polluée, exposée aux ondes électromagnétiques. Des nuisances que nous avons souhaité transformer par le paysage : créer un parc, remodeler les berges pour vivre en symbiose avec les éléments naturels.  On s’est inspiré de l’identité du lieu pour proposer des solutions vertueuses : concevoir un quartier sans voiture avec des parkings mutualisés en silos et recréer un écosystème pour valoriser l’eau sur ce terrain baigné des deux côtés par la Seine ».

Ce travail sur le temps long mené à L’Ile-Saint-Denis est consécutif au concours Europan 4 (Construire la ville sur la ville), dont l’agence a été lauréate en 1994. « Nous avions travaillé sur l’îlot des Impasses à Aubervilliers, c’est ainsi que nous avons rencontré les élus de Plaine Commune et qu’ils nous ont proposé de réfléchir à la transformation de la friche Michels, à L’Ile-Saint-Denis, en réinterrogeant la densité proposée par des promoteurs sur ce site. Le Département envisageait de lancer un concours sur les six hectares des entrepôts du Printemps. Nous avions alors plaidé pour une réflexion globale sur la totalité des 22 hectares du secteur d’activité ».

Dès lors un partenariat étroit se noue entre le maire écologiste (Michel Bourgain, « qui était ouvert à toutes les idées ! »), l’établissement public territorial (Plaine Commune) et les architectes (Philippon-Kalt). Partenariat qui s’est poursuivi avec d’autres acteurs, notamment aujourd’hui la Solideo et le groupement Pichet-Legendre.

Mais s’ils adorent l’expérimentation y compris technique, ils sont aussi très attachés au vécu des habitants et des usagers de leurs bâtiments. A L’Ile-Saint-Denis, conjointement avec l’élu à l’urbanisme, Philippe Monges, photographe de son métier, ils ont publié des « récits de vie » où témoignent les habitants des opérations qu’ils ont livrées, des retours d’usages instructifs pour les opérations suivantes.

Située dans une petite rue du 13e arrondissement de Paris, l’agence s’ouvre sur une courette presque ingrate sauf qu’y trône une somptueuse fougère arborescente. Son port majestueux dit beaucoup du travail de l’agence : comment magnifier l’existant pour créer un nouveau cadre de vie.

 

 

> Commander Traits Urbains n°138/139 "Les 100 qui font la ville en 2023"

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Les 100 qui font la ville

Les 100 qui font la ville, un hors-série du magazine Traits Urbains