> Commander Traits Urbains n°138/139 "Les 100 qui font la ville en 2023"
Elle se voit comme une « funambule ». Coriandre Prudhomme est d’abord une passionnée d’aménagement paysager, dont elle commence à explorer l’univers au lycée des métiers de l’horticulture et du paysage de Montreuil. Elle poursuit sa formation pour acquérir des connaissances scientifiques en écologie urbaine, à l’Université Paris-Sud, à Paris-Saclay et à l’Ecole régionale de botanique. Depuis elle s’évertue à faire la connexion via l’apport d’une vision écosystémique du vivant dans tous les projets auxquels elle participe.
« Dans cette société cloisonnée où la transversalité est rarement autre chose qu’un mot d’ordre, il est question dans mon métier de consultante de tendre un fil entre le monde de la recherche et celui de l’aménagement du territoire, et ce dans le but d’entreprendre des projets éclairés par la technique de l’un et le savoir faire scientifique de l’autre. Entre méthodes, protocoles, noms latins, cultures, techniques, politiques, arts ; le lien qui se dessine alors est une prémisse à un réseau bien plus riche donnant accès à une ouverture sur la perception du vivant dans nos sociétés humaines. »
Trois illustrations de genres très différents où « il n’est plus question de faire a minima pour le vivant mais du vivant un véritable atout pour le projet ».
Sollicitée par la nouvelle équipe municipale écologiste de Tours pour établir une liste de végétaux qu’il serait intéressant de planter dans la métropole, Coriandre Prudhomme propose d’aller au-delà d’une simple liste et de créer un outil à destination des élus et des techniciens portant l’intention de faire réfléchir à l’écosystème dans lequel va être implanté le végétal, de mieux appréhender le site et les potentielles richesses qu’il renferme, sur la base d’éléments issus de savoirs scientifiques et d’expériences de terrain. L’objectif : définir une base de plantes pertinente pour la biodiversité locale, qui va non seulement favoriser les circulations et la préservation d’espèces animales mais également conférer une cohérence écologique et paysagère à tout projet d’aménagement, et donc une plus grande durabilité de celui-ci.
A Arras, Coriandre Prudhomme s’associe à une céramiste, Eloïse Callewaert, pour un projet détonnant : la création d’une collection rassemblant une vingtaine de poèmes et d’objets d’art sur le thème des plantes et de… leur sexualité. L’idée est toujours de familiariser avec la richesse de la botanique et de son champ lexical. Là où le jargon des experts peut rebuter, l’érotisme va au contraire susciter la curiosité. Cette exposition est destinée à voyager de séminaires en concept stores.
A Grenoble, c’est un jardin aux multiples habitats, en gestion différenciée et propre à la déambulation, qui sort de terre en pied d’immeuble alors qu’il avait été initialement dessiné comme un espace commun d’habitat social, selon l’immuable triptyque gazon-massifs d’hortensias-haies de thuyas. En collaboration avec le paysagiste Julien Gailledrat, Coriandre Prudhomme pousse ici les promoteurs à un nouvel esthétisme plus éco-responsable. « La première réaction de nos commanditaires a été l’appréhension d’un surcoût. Mais en équilibrant avec d’autres actions économes, comme la conservation de la terre ou la plantation de boutures d’éléments existants, ils se sont au final rendu compte que de tels aménagements ne sont pas plus chers. »
Quand elle n’est pas dans l’opérationnel, Coriandre Prudhomme transmet ses convictions aux étudiants de l’université d’Artois et du centre de formation agricole de Douai. Elle anime par ailleurs la chronique « Dur de la feuille » sur la radio associative PFM. Décloisonner, toujours, par tous les moyens.