Françoise RAYNAUD Françoise RAYNAUD

@Jonathan_Thornhill

Depuis 2002, avec la création de son agence Loci Anima, Françoise Raynaud travaille la notion d’« animisme post-industriel » : ou comment établir un rapport à la nature empreint d’un grand respect. L’architecte éprouve depuis toujours une empathie pour le monde du vivant qui est presque de l’ordre de la souffrance. Le macro-lot A4-Est à Boulogne-Billancourt ou la conception de la tour bioclimatique Keïko dans le quartier du Pont d’Issy, à Issy-les-Moulineaux, témoignent de ces liens qu’elle souhaite instaurer entre l’humain et son environnement. Elle constate dans notre société « une espèce d’incapacité à vivre paisiblement avec la nature ». Certes les discours actuels tendent à rejoindre sa pensée, mais quid des actes ?

Issue d’une famille d’artistes, elle a « toujours voulu être architecte » : affirmation inusitée d’une vocation pour une petite fille dans les années 1960. Dans sa ville de Carcassonne, des œuvres architecturales remarquables ont marqué son enfance : « la cité de Viollet le Duc faisait en quelque sorte partie du patrimoine familial. Et les châteaux cathares m’ont fascinée, tout comme la non-orthodoxie des Cathares : j’ai toujours essayé de mener mon trajet personnel ». En toute logique, Françoise Raynaud monte à Paris poursuivre des études d’architecture. Diplôme en poche elle part pour l’Australie où elle fait la rencontre décisive de Glenn Murcutt, Pritzker Prize 2002, dont les maisons « étaient déjà il y a 40 ans des modèles d’autonomie et de frugalité ».

Arès quoi commence un parcours dans l’agence de Jean Nouvel, pendant dix-huit ans. Elle s’enrichit de la découverte les Etats-Unis et de l’Asie : au Japon, elle s’instruit sur le Feng Shui et sur la manière de rendre vivables les petits espaces... Elle travaille aussi sur les projets de la Tour sans Fins à la Défense ou du musée du Quai Branly.

Le moment venu de voler de ses propres ailes, la fondatrice de Loci Anima s’emploie à traduire avec une énergie redoublée ses convictions en projets, en France et à l’étranger. En Nouvelle-Zélande, la base française pour la Coupe de l’America superpose des conteneurs en guise de bureaux, d’ateliers, de hangar à bateaux et de restaurants… Le siège de la CFDT, l’un des premiers projets de l’agence, bénéficie d’une façade pariétodynamique, d’une orientation plein sud et ménage, déjà, des espaces extérieurs à tous les niveaux. « A l’époque l’argumentaire du bien-être n’était pas forcément entendable », sourit-elle, mais l’esprit y était.

La rénovation du centre commercial Auchan de Roncq, dans le Nord, a encore devancé une tendance, celle du réemploi. Les éléments de façade en terre cuite pouvant être démontés et remontés ont été réutilisés ou transformés en mobilier urbain, seuls 10 % partant à la casse.

A Issy-les Moulineaux, la tour Keïko (armure d’écailles en japonais) déploie une façade en écailles de panneaux de verre évitant le recours à une seconde peau. « Elle a quelque chose de sculptural mais ce n’est pas du tout le but », explique sa conceptrice. « Le but c’est de chercher une vue, d’attraper un rayon de soleil… L’objectif fondamental n’est pas de créer son œuvre mais de créer un endroit à vivre et qui donne du bonheur aux gens ». Et d’affirmer : « je pourrais vivre dans chacun des logements que j’ai dessinés ».

Pour l’avenir, « le débat sur la ville verticale manque d’imagination… On veut climatiser, avoir des ascenseurs fortement énergivores… mais on peut la concevoir différemment, avec des matériaux plus vertueux, et pourquoi pas utiliser les modes doux pour monter et arriver à son poste de travail ? » Vision irréaliste ? « Je finirai par y arriver ! », soutient-elle.

 

 

> Commander Traits Urbains n°138/139 "Les 100 qui font la ville en 2023"

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Les 100 qui font la ville

Les 100 qui font la ville, un hors-série du magazine Traits Urbains