Magali REGHEZZA-ZIIT Magali REGHEZZA-ZIIT

« On ne négocie pas avec le climat. » Magali Reghezza-Zitt a beau être une intelligence supérieure elle a su, sur des sujets complexes (le risque, la vulnérabilité, la prévention, l’adaptation, la résilience, la transition dans le contexte de la mondialisation et du péril environnemental), préserver un discours clair et intelligible pour le plus grand nombre. Cela en fait naturellement une « bonne cliente » pour les mass media qui l’invitent en studio dès qu’une canicule ou une sécheresse se profile ou qu’une catastrophe se produit, la garantie d’une intervention scientifiquement certifiée et pédagogiquement approuvée.

L’agrégée de géographie, normalienne, enseignante-chercheuse à l’ENS, et membre du Haut Conseil pour le climat jusqu’en août dernier, dresse des constats : « le cadre de la planification a changé » ; « il y a aujourd’hui une perception partagée de l’incertitude face à une menace non maîtrisable ». Sur ces bases, elle déroule son raisonnement : « La vulnérabilité c’est la restriction du champ des possibles. Inversement, plus ce champ des possibles est étendu plus la capacité de résilience est optimisée. Or l’inaction réduit l’éventail des choix. De même que les inégalités elle fragilise la société, exposant à davantage de crises. Car c’est le choix qui garantit notre liberté. C’est pourquoi l’urgence ne saurait être un prétexte à l’inaction ou à la confiscation de la démocratie. »

Ainsi, suite au déclenchement de la guerre en Ukraine et à l’invitation des autorités à baisser le chauffage pour assurer l’indépendance européenne vis-à-vis du gaz russe, elle s’insurge dans une tribune au Monde qui sonne comme un rappel à l’ordre : « Plusieurs observateurs ont analysé cet appel à réduire la consommation comme un premier pas vers la sobriété. L’une des hypothèses était que la guerre allait réussir à faire ce que ni les alertes scientifiques, ni les négociations diplomatiques, ni le sentiment d’urgence n’avaient pu obtenir : engager les Etats européens dans une transition énergétique intégrant pleinement l’action sur la demande. (Mais cet) appel à la sobriété fait aussi écho à ce que l’on a pu constater depuis plusieurs décennies dans le champ de la réduction des risques, à savoir le transfert des coûts de l’inaction vers les individus, au nom de la morale. […] Engager la sobriété énergétique par un petit geste qui n’est plus écologique, mais patriote et solidaire, revient à transformer la contrainte collective, qui découle du retard pris dans la sortie des énergies fossiles, en ardente obligation individuelle. »

Trop facile. Magali Reghezza-Zitt sait mieux que quiconque que « la résilience est un récit stable dans l’instabilité ». Toutes les villes s’adaptent en permanence, de manière planifiée, par le projet urbain, et également de manière spontanée. « Le vieux Paris n’est plus (la forme d’une ville / Change plus vite, hélas ! que le cœur d’un mortel) » écrit Baudelaire dans Les fleurs du mal, qu’aime à citer cette férue de poésie. « Mais ce qu’on demande aujourd’hui aux territoires c’est le contraire de la résilience. C’est une bifurcation systémique, des ajustements qui ajoutés les uns aux autres vont aboutir à des transformations structurelles. C’est vertigineux. » Une volonté politique s’avère donc indispensable quand la culpabilisation tendrait à l’inverse à occulter la nécessité absolue de ces changements. « La répartition des efforts et des gains doit être équitable ». Et ça non plus ce n’est pas négociable.

 

 

> Commander Traits Urbains n°138/139 "Les 100 qui font la ville en 2023"

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Les 100 qui font la ville

Les 100 qui font la ville, un hors-série du magazine Traits Urbains