> Commander Traits Urbains n°138/139 "Les 100 qui font la ville en 2023"
© Hamdi Chref / RATP
A priori, deux mondes semblent séparer la fabrication d’un campus à grande échelle sur un espace péri-urbain partant d’une feuille quasi-blanche (le Plateau de Saclay avec la naissance de sa Zac du Moulon) qui a occupé six ans de la carrière de Céline Tignol, et la somme de reconfigurations de sites existants en cœur de Paris constitutive de sa feuille de route d’aujourd’hui, en tant que directrice de l’immobilier du groupe RATP. Mais l’urbaniste de formation et X-Ponts sait créer entre eux des passerelles, qui procurent une forme de continuité à son parcours : aménagement durable – des compétences forgées dans un premier poste à la direction régionale de l’Equipement d’Ile-de-France aux temps alors encore pionniers des écoquartiers – qualité architecturale, association des futurs usagers à l’avancée de projets, et surtout co-construction de ceux-ci avec toute la multiplicité des acteurs de la ville.
« J’ai été sensible au fait que la RATP se définisse dans sa raison d’être comme un fabricant de la ville, dans un environnement très métropolitain, à partir de son patrimoine industriel très spécifique », souligne-t-elle pour expliquer son « oui » à la proposition de rejoindre l’opérateur de transports urbains, en 2016. D’abord chargée de la stratégie puis de la maîtrise d’ouvrage des projets mixtes, elle en dirige depuis 2021 la direction de l’immobilier de 75 collaborateurs.
Le menu y est copieux et varié, entre planification (pilotage d’un schéma directeur immobilier budgété à 150 millions d’euros d’investissements par an), restructuration en site occupé de plus de 100 000 m² du parc tertiaire du Groupe. Et rénégération urbaine par le développement, le plus souvent en partenariat, de programmes autour des actifs très particuliers de cet opérateur que constituent les ateliers de maintenance des métros, les pôles multimodaux ou les infrastructures ferroviaires elles-mêmes : au total un patrimoine foncier de 740 hectares, l’un des plus importants d’Ile-de-France.
Incarnées par quelques exemples phares comme les « Ateliers Vaugirard » qui verront pousser près de 300 logements sur 2,3 hectares au-dessus du site plus que centenaire de maintenance de la ligne 12 ou la restructuration du site Belgrand-Saint Fargeau dans le 20e arrondissement, ces opérations dépassent la question de la ville productive pour amener la directrice du pôle immobilier et ses équipes au cœur des grands enjeux et concepts du moment : ZAN (ici, pas de friche, uniquement des sites industriels, déjà imperméabilisés, à qui on donne une deuxième vie), transformations en site occupé, mixité sociale et fonctionnelle, désimperméabilisation et lutte contre l’ilot de chaleur urbain…
« L’inscription de nos projets dans le nouveau PLU bioclimatique de la Ville de Paris souligne notre volonté de participer pleinement à la transition écologique de la ville. Désimperméabiliser les sols, aménager des espaces en pleine terre, amener la biodiversité, introduire des matériaux biosourcés : rien de ceci n’est évident par rapport à notre immobilier très technique, la tâche peut s’apparenter à un travail d’équilibriste. Mais nous y parvenons », souligne Céline Tignol. Au point d’amener la RATP à se positionner comme un promoteur ou aménageur – presque – comme les autres, en témoigne l’association de sa jeune filiale de développement immobilier RATP Solutions Ville à la réhabilitation des 26 500 m2 du très haussmanien ancien siège de l’AP-HP dans le 4e arrondissement, en appui de BNP Paribas Real Estate et Apsys. Le « métro » que conduit Céline Tignol ne fait ainsi pas que circuler sur des « voies à part », il assure ainsi la correspondance avec des « lignes » classiques.